La brigade des jardiniers

La brigade des jardiniers

La brigade des jardiniers

Ils relèvent le défi…

Ludovic et Cécile reviennent de loin, eux qui vivaient jour et nuit dans la rue et le métro, se « supportant » vaillamment mais perdant au fil du temps le peu de confiance qu’ils pouvaient avoir en eux. Alors cette « chance à saisir », Cécile et Ludovic l’empoignent avec toute l’énergie de leur 23 et 24 ans, conscients qu’elle ne se présentera pas deux fois : « J’ai tout fait pour participer à cette aventure » dit Cécile « C’est un des plus grands trucs qui m’est arrivé dans la vie » ajoute Ludovic dont l’intelligence et la façon poétique de décrire ses motivations ont d’emblée séduit l’équipe. Bonne pioche : sur le terrain Ludovic et Cécile découvrent une passion, celle de voir les choses pousser, et surtout de mesurer les résultats de leurs efforts.

Bien sûr, il y a l’apprentissage au lycée horticole de Blois sous la houlette de leur prof, le patient Marc Aurèle ; bien sûr il y a les levers matinaux et les horaires à respecter, et puis la vie de groupe à supporter quotidiennement, enfin il y a le terrain, deux jours de videos caseros et demi par semaine, pilotés par Frédéric l’infatigable chef jardinier et Magali l’architecte. Mais cette formalité obligée, ils s’en accommodent, sachant bien qu’ils en tirent bénéfice : « Le corps c’est comme tout, ça s’acclimate. À la longue, on a pris de l’endurance physique et mentale et maintenant on a une cadence de travail quasi professionnelle. Finalement on est tous capable de se lever le matin pour aller travailler ».

Une endurance qui épate Ludovic, ce « grand stressé de la vie » : « Je ne savais pas que j’étais si courageux, que j’étais aussi fort physiquement et mentalement. Je suis étonné par ma façon de penser. Je pense en bien et plus en mal. J’ai toujours un problème de confiance en moi, mais ça aussi, ça va évoluer ! ». Et qui émerveille Cécile : « Il y avait 8000 bulbes à planter. C’était horrible, ça n’en finissait pas. Et du jour au lendemain, ils sont sortis de terre. C’était super-beau. Et là, quand on voit le résultat, on est content de l’avoir fait. Finalement un jardin, c’est comme un enfant que l’on regarde grandir ».

Jean-Pierre, 30 ans, Samy 20 ans et Nicola, 22 ans, avaient déjà connu une première expérience du travail de la terre : Jean-Pierre, le doyen de la bande, dans une jardinerie, Samy avec ses oncles agriculteurs et Nicola dans divers petits boulots… Leur première motivation : maîtriser un travail qui garantisse leur avenir, « pour s’en sortir, s’épanouir, avoir une vie saine ».

Six mois plus tard, très fier, Samy constate ses progrès : « Quand j’ai une tâche particulière à faire, j’ai appris à me concentrer dessus et à aller au bout. Mon avenir, il n’y a que moi qui peux le structurer, le construire. Si je vais mal, ça se passera mal, si je suis bien dans ma peau et conscient de ce que je fais, ce sera bien. Ce boulot d’aujourd’hui me donnera des armes ».

Nicola lui, a découvert qu’il adorait travailler le sol et tailler les arbres : « les fleurs ce n’est pas mon truc. Je préfère les arbres en général et les fruitiers en particulier ». La vie en groupe, il a dû aussi s’y faire, lui qui vivait « en cercle fermé » : « Je suis comme tout le monde, j’avais des a priori. Aujourd’hui je suis plus tolérant ». Il a bien intégré également que pour travailler il faut bouger, même s’il doit pour cela être séparé de sa famille, « le plus important » ! Au moins, cette expérience, parmi d’autres avantages, aura eu celui d’épater enfin sa grand-mère : « quand elle verra ça à la télévision, elle sera fière. Pour ma grand-mère, je dois faire toujours plus et, ce jardin, je sais que ça lui fera plaisir ».

Fous de dessins et inséparables, les deux Greg – P’tit Greg 18 ans, dessine nuit et jour, Grand Greg, 20 ans tague – découvrent à Cheverny un autre genre de travail manuel. Pourtant au départ leur motivation était tout à fait pragmatique : « C’est le hasard. On nous a proposé d’être logés, nourris, blanchis… on a dit pourquoi pas ? ». Aujourd’hui leur habileté à planter, tailler, retourner la terre, en épate plus d’un, à commencer par eux, même s’ils affichent une décontraction de façade. « On ne fera pas ça toute notre vie, mais c’est super de mettre à plat un dessin qui date d’un ou deux siècles et d’en faire quelque chose de concret ». L’idée aussi que ce jardin va perdurer les rend terriblement fiers, eux qui ne connaissent que l’éphémère. Et cette fierté d’avoir participé à une oeuvre faite pour durer, tous la partagent, sans exception : « On aimerait bien avoir une entrée à vie au château. On y emmènera nos enfants et nos petits enfants. On leur montrera le jardin et on leur dira : c’est nous qui l’avons fait ! ».
Un autre beau projet pour l’avenir !